LE CHRÉTIEN ET LA PENSÉE MODERNE

I.     Une responsabilité du chrétien.

Les prophètes de Dieu avaient la tâche, parfois ingrate, de montrer au peuple sa condition morale et spirituelle (Jérémie 14:14).

Pour accomplir leur tâche les prophètes devaient regarder d'un oeil réaliste ce qui se passait autour d'eux car «un aveugle ne peut conduire un aveugle». Comprendre les problèmes, les crises, les besoins du peuple d'Israël dans tel ou tel contexte historique, économique ou religieux: voilà quel était le souci majeur des prophètes. Sans leur réalisme, les prophètes n'auraient pu mener à bien cette mission. Comme les prophètes, nous avons un message à communiquer au monde. Ce message est contenu dans un nom: Jésus-Christ (Hébreux 1:1; Actes 4:12). C'est la proclamation de Celui que Dieu a oint (Christ), que Dieu a désigné et choisi pour nous sauver (Jésus).

Il est essentiel que nous connaissions notre message. Mais, en outre, il est essentiel que nous connaissions nos auditeurs, ceux à qui le message de Dieu est destiné. Pour ce faire, nous devons, nous aussi, regarder le monde qui nous entoure, réaliser et comprendre ses problèmes, ses crises, ses besoins.

II.    La nature de l'homme.

Il nous faut, avant tout, savoir reconnaître les principaux traits de la nature humaine. Dans sa nature et ses besoins essentiels l'homme reste le même. Il se présente comme une créature faite à l'image de Dieu (Genèse 1:26; Hébreux 2:5-8). Il a la capacité de raisonner et d'agir librement. Il peut exercer sa volonté (Deutéronome 30: 11-20).

Mais, d'autre part, l'homme se présente comme un transgresseur qui a besoin d'être réconcilié avec son Créateur (Romains 3:9-20).

En regardant le monde actuel nous devons toujours prendre conscience de ces aspects permanents de la nature humaine.

Nous devons aussi prendre conscience du fait que l'homme n'est pas insensible à tout ce qui se passe autour de lui. Il nous faut connaître les influences qui peuvent modeler l'homme pour le meilleur ou pour le pire. Qu'on le veuille ou non, l'Église doit vivre dans le monde et doit subir toutes sortes d'influences (Jean 17:15). Si elle veut rester une lumière dans le monde, il est important que l'Église admette ce fait.

L'homme moderne est en crise. Cette crise est à la fois l'expression d'un conflit éternel en l'homme depuis sa chute et l'expression d'un mode de pensée particulier à notre époque. Le chrétien doit comprendre le mode de pensée qui caractérise notre époque.

III.   Une crise de la pensée.

Selon Herbert Butterfield, historien anglais, l'essor et le progrès de la science moderne est l'événement le plus important de l'histoire humaine depuis l'instauration du christianisme?

La science des deux derniers siècles a été une révolution pour le genre humain. Elle a modifié le mode     de pensée et le mode de vie de l'individu. Les grands courants de la pensée actuelle n'existeraient

pas sans l'apparition de la science moderne et de l'âge industriel. La théologie moderne est elle-même redevable de ses théories à l'essor de la science moderne. Par conséquent, la vie morale et religieuse de l'Europe toute entière a subi les contrecoups de l'essor de la science moderne.

La pensée de l'homme a été transformée par le rôle croissant de la science dans sa vie. Cette transformation est plus évidente chez les jeunes.

Dans la pensée moderne, c'est-à-dire celle des deux cents dernières années, il faut souligner:

1) La conception que l'idéologie moderne se fait de la science.

2) Les systèmes philosophiques qui ont découlé de cette conception de la science.

1) La conception que l'idéologie moderne se fait de la science.

L'idéologie moderne, telle qu'elle s'est développée jusqu'à nos jours, a ses débuts au XVIIIe siècle, appelé «le siècle des lumières» par les philosophes cartésiens et par Kant (1724-1804). Depuis «le

siècle des lumières», la foi en la science constitue la religion dominante de l'homme moderne.

La philosophie de l'homme moderne est , avant tout, une philosophie qui se veut scientifique. Il est maintenant axiomatique dans les milieux intellectuels que tout ce qui ne peut être vérifié scientifiquement doit être rejeté. Dès le XVIIIe siècle, on nie les miracles et la résurrection du Christ, le pardon des péchés, et même l'existence de Dieu qui ne sont pas scientifiquement

vérifiables. D'emblée, on peut comprendre l'influence que peut avoir une telle philosophie sur les conceptions morales et religieuses. Dans un tel système, la science a tout pouvoir pour juger de la vérité ou de la validité de la religion.

2) Les systèmes philosophiques qui ont découlé de la conception moderne de la science.

Deux systèmes philosophiques sont les héritiers directs du «siècle des lumières». Ce sont le rationalisme et l'existentialisme.

a) Le rationalisme

Le mot rationalisme vient du latin «ratio», raison. Le rationalisme moderne exalte la raison humaine au point de pouvoir éventuellement tout expliquer par elle. Ephraim Lessing est un des principaux représentants de cette philosophie.

Dès la fin du XVIIIe siècle, le rationalisme fut considéré par certains philosophes comme une impasse. Hegel (1770-1831) marque cette rupture avec le rationalisme du «siècle des lumières». Hegel est un penseur relativiste. Pour lui l'important est de faire la synthèse entre la thèse et l'antithèse. Ce fut Hegel qui ouvrit la porte à l'existentialisme et au désespoir philosophique qui en a résulté.

Karl Marx est né en 1818. Il étudia à Bonn, puis à Berlin. Il fut dans sa jeunesse attiré par les théories de Hegel. Néanmoins, Marx se distingue de Hegel. Pour lui, ce sont les conditions matérielles qui déterminent le mode de pensée. Pour Marx c'est la condition sociale qui doit primer et non la préoccupation philosophique.

b) L'existentialisme

C'est un philosophe croyant, Sôren Kirkegaard (1813-1855), qui, le premier, emploie ce terme. Selon l'existentialisme l'homme ne doit pas se contenter d'exister, de vivre. Il doit comprendre son   xistence, en prendre pleinement conscience. Etre existentialiste, c'est être pleinement responsable de son existence par des choix et par des décisions personnelles. L'existentialisme rejette la conception chrétienne de l'existence en faisant de l'homme l'unique maître de sa destinée.

Au XXe siècle, des philosophes athées ont repris cette philosophie:Jean Paul Sartre, Karl Jaspers et Martin Heidegger. Pour Sartre «la première démarche de l'existentialisme est de mettre tout homme en possession de ce qu'il est et de faire reposer sur lui la responsabilité totale de son existence». Sartre affirme que l'homme doit devenir pleinement conscient et responsable de son existence, mais dans un univers absurde: un univers où l'on ne peut être certain de rien.

Ainsi, Sartre et Camus présentent un homme qui assume l'absurdité de sa propre existence. Karl Jaspers porte l'accent sur l'expérience.Ce sont, dit-il, les expériences qui donnent un sens à l'existence.Aldous Huxley, influencé par Jaspers, encouragea l'usage de la drogue. Teilhard de Chardin présente la foi en Dieu comme l'expérience sublime qui donne un sens à la vie.

La rationalisme et l'existentialisme sont les clés de la pensée moderne que l'éducation et les nombreuses techniques de diffusion n'ont pas manqué de rendre populaire.

IV. Conséquences de la pensée moderne.

En Europe les philosophies du rationalisme et de l'existentialisme sont devenues populaires grâce à un endoctrinement subtile à l'école et à l'université. Profondément existentialistes, les jeunes veulent prendre en main leur existence; cette volonté s'affirme sur plusieurs niveaux: familial, scolaire, religieux, moral et politique.

Franz Kafka, dans une lettre à son ami Max Brod, avait prédit la confusion des générations futures. Il décrit, en substance, l'homme moderne comme un homme «philosophiquement ivre», ayant perdu toute direction et toute fondation.3 Cette «ivresse» rend les jeunes indécis quant aux critères qui doivent déterminer la pensée et l'action humaines. La philosophie existentialiste a pour conséquence d'isoler l'individu, de faire de lui un être solitaire et sans ressources en dehors de lui-même (voir «L'étranger», A. Camus).

Pourtant, sans une direction extérieure à lui-même, l'homme est vite perdu et confus; la société tombe dans l'anarchie, qu'il s'agisse de la famille, de l'éducation, de la morale ou de la politique (cf. Juges 21:25). La philosophie existentialiste ne peut amener que le chaos dans l'ordre moral et social.

«La voie de l'homme n'est pas en son pouvoir;
Ce n'est pas à l'homme, quand il marche, à diriger ses pas.»

(Jérémie 10:23)

Il y a donc des conséquences morales et religieuses à la philosophie actuelle. La conséquence majeure, c'est le rejet systématique d'une direction de Dieu. C'est en outre un rejet de la Révélation divine: la Bible. Les jeunes ne nient pas l'existence de Dieu; mais leur formation philosophique leur fait rejeter une direction de Dieu.

A la rigueur, Dieu peut être une force naturelle. En aucun cas, toutefois, Dieu peut-il devenir un Etre personnel, qui se soucie de nous, qui peut intervenir dans notre existence. Cette conception de Dieu amène certains théologiens à parler de la «mort de Dieu». Le Dieu dont parlent les théologiens existentialistes n'est, en fait, qu'une projection personnelle de l'individu. Toute la théologie «d'avant-garde» est construite sur ce système et sur la philosophie existentialiste (Paul Tillich en est le meilleur représentant).

Le désespoir existentialiste règne en maître incontesté dans les facultés de théologie. Il règne dans les livres, dans les revues, dans les discours de la théologie moderne. Il détruit la foi et la remplace par l'incertitude, le doute et la confusion.

Mais, tout au fond de lui-même, l'homme continue à chercher une direction, un sens, à son existence. Il veut être engagé dans une existence utile et constructive, à la fois pour lui-même et pour les autres. L'existentialisme, le rationalisme, ne sont pas la solution.

Jésus est venu. Il a connu notre sort. Il n'a pas jugé que l'existence humaine est inutile ou absurde. L'homme n'est pas destiné à la mort, mais à la résurrection. Il n'est pas destiné à l'échec, mais à la victoire. Il n'est pas destiné au désespoir, mais au bonheur. Il n'est pas destiné à l'angoisse, mais à la confiance. La théologie existentialiste a trahi le Christ.

Le monde moderne est un défi à la Parole du Christ. Il est un défi à la conception chrétienne de l'existence. Devant ce défi, le chrétien doit relever la tête et «combattre le bon combat, en gardant îa foi et une bonne conscience» (I Timothée 1:18-20).

Serons-nous capables de convaincre un monde existentialiste à devenir un monde chrétien? Un monde centré sur lui-même, à devenir un monde centré sur Jésus-Christ? Chaque jour nous devons nous poser ces questions et en chercher les réponses dans la Parole de Dieu.

YANN OPSITCH

Version Imprimable